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Les assassins d’Ali Soilihi, revenus sur le lieu du crime

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La spoliation de la mémoire d’Ali Soilihi, entre confusion et réprobation

Par ARM

   «L’auteur Youssouf Saïd Soilihi est né le 9 janvier 1957 à N’tsaweni aux Comores. En 1976, il interrompt ses études secondaires pour participer au pouvoir populaire issu de la révolution du 3 août 1975 aux Comores». C’est ce qui est mentionné sur la 4ème de couverture de l’excellent livre Comores. Les défis du développement indépendant 1975-1978 (L’Harmattan, Paris, 1988, 159 p.), né sous la plume alerte et experte du Grand Docteur Youssouf Saïd Soilihi, qui a dédié ce livre de grande qualité scientifique, pédagogique et de référence à Ali Soilihi, 10 ans après son assassinat par un acteur politique comorien originaire de Moroni: «À Ali Soilihi, qui m’a ouvert les yeux sur les problèmes de développement d’une jeune nation en construction». Pourtant, le lundi 1er décembre 2014, quand on pose à ce soilihiste sincère et convaincu la question sur la surexploitation actuelle de la mémoire d’Ali Soilihi, il affiche sur son visage toute la tristesse et toute la douleur du monde, avant de lancer: «Je ne me retrouve pas dans ces mouvements politiques de circonstance qui se disent soilihistes sans l’être et qui n’arrivent même pas à s’unir pour offrir une façade d’unité. Je ne suis pas persuadé de leur sincérité et de leur fidélité à la mémoire d’Ali Soilihi».

   C’est un discours de vérité qu’on entend de la bouche des vrais soilihistes, dont l’un des plus fidèles dit, notamment en présence de mon ami Ahmed Youssouf dit Alley, avec une colère qu’il ne cherche même pas à dissimuler: «Est-ce qu’au moins, ces gens-là, avant de se revendiquer d’Ali Soilihi, le connaissent? Ces adeptes du Grand Mariage sont tout sauf des soilihistes. Alors, quand ils projettent de célébrer le 40ème anniversaire du 3 août 1975, je suis obligé de les regarder avec suspicion, et parfois avec mépris, car parmi eux se trouvent les assassins d’Ali Soilihi et leurs complices. Parmi eux se trouvent ceux qui ont été récompensés au lendemain du 13 mai 1978, date du renversement de notre Guide Ali Soilihi. Parmi eux se trouvent ceux qui désignaient aux mercenaires de Bob Denard les portes à pousser lors du coup d’État du 13 mai 1978. Les voir aujourd’hui se réclamer d’Ali Soilihi suscite en moi du dégoût et de la réprobation». Et il y a ceux qui n’ont aucune affinité idéologique avec Ali Soilihi et qui se ridiculisent en surexploitant sa mémoire.

   Comment ne pas être dubitatif quand on voit les vrais soilihistes dérouler le tapis sale des maux causés par les uns et les autres à Ali Soilihi et qui ont précipité sa chute et son assassinat dans des conditions qui donnent mauvaise conscience même aux innocents. Naturellement, il fut un temps, le frère M.T., un soilihiste sincère, lui, quand il donnait encore signe de vie, car depuis le 18 juin 2015, il a disparu des écrans des ordinateurs, s’était indigné en constatant que ce site ne rend plus compte des préparatifs de la célébration de ce 40ème anniversaire du 3 août 1975. Il a raison, surtout que ce site avait fait écho de ce qui se préparait, avant de prendre un recul suscité par les interrogations sur la haute trahison envers Ali Soilihi de certains des promoteurs du projet de célébration du 40ème anniversaire de sa prise de pouvoir. Pour sa part, mon ami Ahmed Youssouf dit Alley, autre soilihiste sincère, crie au «coup d’État contre la mémoire du Guide Ali Soilihi après le coup d’État contre son régime politique révolutionnaire et progressiste». Il y a de quoi perdre son latin, son arabe et son comorien. Voire…

   Aujourd’hui, les Comoriens et les étrangers qui connaissent bien les avatars de la trahison en question sont dubitatifs quand ils apprennent que le dimanche 23 novembre 2014, des gens se présentant comme des «soilihistes» ont tenu une réunion préparatoire à l’Hôtel Ravinala en vue de la célébration de ce 40ème anniversaire et que ladite réunion était placée sous l’égide de Mouzaoir Abdallah, unique ministre des Affaires étrangères d’Ali Soilihi (1975-1978). Mouzaoir Abdallah est un homme sincère et un habile manœuvrier politique, mais sa loyauté envers Ali Soilihi a toujours été sujette à caution. Trop de choses ont été dites et écrites sur le sujet. Mais, aujourd’hui, l’intéressé s’indigne dès qu’on lui parle de sa trahison, et demande la production des preuves l’accablant. Des Comoriens membres des premières missions diplomatiques comoriennes à l’étranger aux temps d’Ali Soilihi mettent sérieusement en doute la loyauté de Mouzaoir Abdallah envers Ali Soilihi, la Révolution et les Comores, et certains avaient préféré ne plus rentrer aux Comores après avoir constaté certains agissements fort suspects de la part de leur chef de délégation aux Nations Unies, qui n’était autre que Mouzaoir Abdallah.

   Pour résumer, on pourrait dire de la manière la plus simple que la mémoire d’Ali Soilihi est en danger… de mort. Le 13 mai 1978, on avait participé à la chute d’un révolutionnaire sincère, et quand son image et son souvenir commencent à hanter les Comoriens, qui se souviennent de lui avec nostalgie, remords et regrets, on fait tout pour voler sa mémoire. C’est de «l’escroquerie mémorielle» à l’état pur, dans la pure tradition de l’assassinat d’un César qui, au moment de sa mise à mort par 23 coups de couteaux, s’adressa en ces termes à son fils adoptif Marcus Brutus, membre actif de la conspiration: «Tu quoque mi fili», «Toi aussi, mon fils». Parmi les profanateurs de mémoire d’aujourd’hui, il y a des hommes d’âge mûr qu’Ali Soilihi traitait en fils et à qui il pourrait dire aujourd’hui: «Toi aussi, mon fils».

   Dans les allées de la «récupération mémorielle», on retrouve avec tristesse certains de ceux qui ouvraient les portes aux mercenaires de Robert «Bob» Denard le 13 mai 1978 et qui sont devenus aujourd’hui des crypto-sambistes de pure circonstance et par procuration, via leur organisation politique, devenue un parti politique satellite du Parti des Consanguins et de la Consanguinité politique d’Ahmed Sambi. Voulant faire feu de tout bois, l’ultraconservateur Ahmed Sambi a bien compris l’utilité de récupérer la mémoire du révolutionnaire Ali Soilihi, en ne reculant devant aucun obstacle moral, l’essentiel étant de s’attirer les bonnes grâces de tout ce qui pourrait lui permettre d’assouvir sa vengeance lors des élections présidentielles de 2016 en ratissant large, tout en sachant qu’il ne pourra pas s’y présenter. Cette opération relève donc d’une vraie «escroquerie mémorielle», qui rebute tous ceux qui se reconnaissent avec sincérité dans l’œuvre du révolutionnaire Ali Soilihi, malgré ses limites.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Dimanche 12 juillet 2015.


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