Ahmed Abdallah Salim: noyade au Tribunal de Moroni
Et, la chambre d’accusation rejeta sa demande de non-lieu
Par ARM
Un garçon complexe et tortueux, cet Ahmed Abdallah Salim-là. On le surnomme Ahmed Hydro depuis qu’il a enterré la Société comorienne des Hydrocarbures (SCH). Il est tellement complexe et tortueux qu’il nous oblige à plonger dans la sociologie arabe du Moyen-Âge. Cela peut susciter des interrogations. Pourtant… Oui, pourtant… Pourtant, cette immersion dans la sociologie arabe du Moyen-Âge est nécessaire pour comprendre le sens de la famille, pour comprendre qu’un parent proche est «un rameau de son arbre familial, seul arbre qui pousse dans le désert infini de sable»: Virgil Gheorghiu: La vie de Mahomet, Librairie Plon, Presses Pocket, Paris, 1962, pp. 314-315.
Cette prédominance de l’arbre familial est une réalité qui a incité le grand savant tunisien Abderrahmane Ibn Khaldoun (1332-1406) à écrire des pages somptueuses sur l’«Assabya», la solidarité tribale ou «esprit de corps», source de tous les malheurs des Musulmans au Moyen-Âge, alors qu’ils avaient irrésistiblement le vent en poupe: «Le pouvoir toucha à l’absolutisme et servit les vanités [¼], l’emploi de la force et la satisfaction arbitraire des désirs et des passions. Tel fut le cas des fils de Abd-Al-Malik et des Abbassides après Al-Mu’tasim et Al-Mutawakkil. Ils restèrent califes de nom, tant que dura l’esprit de corps des Arabes. Alors califat et monarchie existèrent côte à côte. Ensuite, l’esprit de corps des Arabes disparut, la race (jîl) et l’arabisme s’éteignirent, et le califat cessa d’exister. Le régime resta monarchique, sans plus»: Abd Ar-Rahmân Ibn Mouhammad Ibn Khaldoun: Discours sur l’Histoire universelle (Al-Muqaddima), Tunis, 1382, Traduction nouvelle, Préface et notes par Vincent Monteil, Tome I, UNESCO et Commission internationale pour la traduction des chefs-d’œuvre, Beyrouth, 1968, p. 411.
Cette plongée dans les eaux de la sociologie arabo-islamique du Moyen-Âge est rendue nécessaire par le fait que quand, sur ce site, a été évoquée la situation désastreuse d’Ahmed Abdallah Salim au regard des crimes économiques très graves qu’il a commis à la SCH, l’esprit de corps avait prévalu et avait poussé mon vieil ami Kamal Abdallah Salim à proférer des injures et des menaces de plainte «pour diffamation» (la tarte à la crème à Moroni par les temps qui courent), estimant et prétendant que son cher, beau, bon et jeune frère était blanc comme nègre et que tout ce qui est dit sur lui au regard de son dossier trop lourd au Tribunal de Moroni ne pourrait venir que de la haine, hargne et aigreur d’un «ARM, l’intellectuel perroquet». Face à une situation aussi fantasque, on hoche la tête d’un air entendu parce qu’il ne faut jamais donner de l’importance à des choses qui n’en ont pas, et il ne sert à rien, dans un cas similaire, de serrer les fesses par prudence.
Or, il est reproché à Ahmed Abdallah Salim le vol de 4 milliards de francs comoriens à la SCH, même si Mariata Moussa, dans son article sur l’affaire, ne parle «que» de 2 milliards de francs. Pour se disculper, Ahmed Abdallah Salim a pris pour avocat le fringant, sémillant et truculent ancien «stagiaire» national Aicham Itbar, l’impénitent donneur de leçons à l’humanité entière, l’inlassable moralisateur qui a réinventé la notion de «conflit d’intérêts» chez l’avocat. Un garçon qui sait vivre, en réalité. L’ancien «stagiaire» national Aicham Itbar, en homme qui sait vivre, a sorti la plus étrange des stratégies de défense: «Aucune charge ne pèse sur mon client», pourtant placé sous contrôle judiciaire pour ses vols de 4 milliards de francs, et alors qu’au parquet, il est dit que le non-lieu est exclu car «il s’agit d’une affaire de détournement de plusieurs millions, voire de milliards» de francs, que reconnaît l’ancien «stagiaire» national. Étrange…
Et, pour ajouter la bêtise à l’idiotie, l’ancien «stagiaire» Aicham Itbar sort une deuxième perle: «L’infraction est prescrite car il s’est passé plus de trois ans entre la date de la commission de l’infraction et les poursuites. Le parquet général soutient qu’il se base sur une loi de 2014, qui prolonge le délai des prescriptions en matière de détournement. Mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est que cette loi ne peut pas être applicable car elle date de 2014 alors que les faits se sont produits en 2011». Belle découverte. En tout état de cause, il y a reconnaissance implicite de la culpabilité du client. Oui, il s’agit de la découverte du siècle parce que l’ancien «stagiaire» national se trompe lourdement: on ne parle pas d’une poule écrasée par un chauffard ayant bu du «trémbo» et qui n’a pas respecté le code de la route, mais d’un délit qui résulte d’un vol massif d’argent de l’État: 4 milliards de francs comoriens. Il fut un temps, Ahmed Hydro pouvait mettre 2 milliards de francs comoriens sur le compte de «l’évaporation» des produits pétroliers, 12 millions de francs sur un rapport bidon que se partagent les séides travaillant sous sa botte, 500.000 francs de recharge pour ses deux téléphones portables par semaine, des voyages en France et en Iran (deux fois) en première classe, etc. Jet setter international, en plus.
L’ancien «stagiaire» national Aicham Itbar est un délicat et un marrant: toute honte bue, il ose prétendre que son client avait le droit de voler l’argent du peuple comorien parce qu’il ne disposait pas d’un manuel de procédure! Mais, où est-il parti chercher de telles billevesées? A-t-il appris de telles merveilles durant son fameux «stage» national? Faut-il un manuel de procédure pour savoir qu’il est interdit de voler? Et comme une bêtise en appelle une autre, notre ancien «stagiaire» national continue à pontifier: «C’est plutôt au ministère des Finances qu’incombe cette responsabilité». Traduit du langage de l’ancien «stagiaire» national, Ahmed Hydro vole l’argent des Comoriens, il en a le droit, et il faut aller embêter le ministère des Finances. Bravo!
Le rapport de la Cour des Comptes sur Ahmed Hydro est plus qu’accablant: mortel! L’article de Mariata Moussa sur les divagations judiciaires de l’ancien «stagiaire» et son client fait rire à mort: «La chambre d’accusation a rejeté la demande de non-lieu formulée par Maître Aicham Itbar, l’avocat de l’ancien directeur général de la Société comorienne des Hydrocarbures (SCH) et, depuis tout récemment, membre du cabinet du président de la République. Ahmed Abdallah Salim est, cependant, placé sous-contrôle judiciaire dans une affaire de détournement présumé de deux milliards de francs comoriens. Cette décision, qui confirme l’ordonnance de placement sous-contrôle judiciaire de l’ancien directeur général, a été décidée, samedi dernier».
Oui, Mesdames, Messieurs, vous avez bien lu. Oui, Mesdames et Messieurs, vous n’avez pas la berlue: le sieur Ahmed Hydro est bel et bien un des «collaborateurs» de complaisance démagogique du «pouvoiriste» polygame Azali Assoumani à Beït-Salam. Cela explique sa présence dans une délégation alimentaire qui se rendait à Madagascar pour la conférence de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) fin 2016. Cela explique également la facilité avec laquelle il obtient des certificats médicaux de complaisance lui permettant de partir faire du ski sur le Mont Blanc en plein hiver 2016-2017, tout en étant rémunéré à Moroni.
Il n’est pas exclu que dans les mois à venir, le «membre du cabinet du président de la République» se retrouve innocenté de ses crimes, et cela n’étonnera personne, dans ce pays où on jette en prison les gens «pour diffamation» avant même de les avoir jugés, et où les voleurs en milliards de francs comoriens ont pignon sur rue.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Mercredi 1er février 2017.